Maxime Bergeron
4 juill. 2024
Pris depuis: https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2024-07-04/transport-collectif/on-fait-quoi-apres-2025.php
Un peu de répit, beaucoup de grogne, et un flou persistant pour les années à venir.
Voilà l’état des courses, après la nouvelle entente sur le financement du transport collectif conclue entre Québec et la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) ces derniers jours.
Le gouvernement Legault épongera le déficit des sociétés de transport à hauteur de 200 millions de dollars pour 2025, a révélé La Presse mercredi. C’est moitié moins que ce qui était demandé, et rien n’a encore été bouclé pour les années suivantes.
Traduction libre : le cadre de financement « pluriannuel » souhaité depuis longtemps par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, reste théorique à ce stade-ci.
Elle vise un dénouement de cette impasse avant la fin de l’été, mais il reste tellement de ficelles à attacher que ça me semble dur à croire.
J’ai l’impression d’écrire la même chronique pour la dixième fois, mais permettez-moi de synthétiser – encore – le nœud de l’affaire. Ce n’est pas parce qu’on en parle souvent que c’est clair.
La pandémie, on le sait, a fait chuter l’achalandage dans les transports en commun. Les revenus aussi, par ricochet. Québec a injecté plus de 2 milliards pour renflouer les déficits des transporteurs depuis la pandémie, mais cette aide ponctuelle tire à sa fin.
Pour l’an prochain, Québec versera 200 millions, sur un manque à gagner estimé à 561 millions dans le Grand Montréal. Point final.
La Société de transport de Montréal (STM), exo et les autres doivent apprendre à équilibrer leurs comptes, répète la ministre Guilbault. Ajuster leurs dépenses pour refléter leurs revenus. Trouver de nouvelles sources pour se financer.
Ces demandes ont parfois été faites de façon tranchante, mais un bon bout de chemin a été fait au cours des derniers mois, il faut le souligner.
Prenons la question des dépenses. L’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), qui établit l’offre de service dans le Grand Montréal, estime à 26 millions les « optimisations » qui seront réalisées l’an prochain. Les économies récurrentes atteindront 150 millions en 2028, prévoit-elle.
L’ARTM envisage une série de mesures, douces ou draconiennes, pour rogner ses coûts.
Parmi les plus faciles à avaler (et appliquer) : une mise en commun de certains départements dans les quatre sociétés de transport du Grand Montréal. Par exemple, ceux des technologies de l’information et du service à la clientèle. Assez logique.
Aussi au menu : une réorganisation de plusieurs lignes d’autobus peu fréquentées. Elles seraient remplacées par un service « à la demande », qui amènerait les utilisateurs directement vers des terminus ou stations de métro, plutôt que de sillonner les rues à vide.
Un service du genre, appelé Flexibus, obtient un fort succès à Québec depuis son lancement en 20222.
À très court terme, l’ARTM entend créer une dizaine de « corridors métropolitains ». Ceux-ci permettront, par exemple, à un autobus de la Société de transport de Laval (STL) qui se rend au centre-ville de Montréal d’embarquer des passagers en cours de route sur le territoire montréalais. Ce qui, bizarrement, est proscrit à l’heure actuelle.
Du côté des mesures plus corsées, l’ARTM jongle avec l’idée d’une fusion, totale ou partielle, des quatre transporteurs métropolitains (STM, STL, RTL et exo). Ce scénario provient d’une analyse de la firme Raymond Chabot Grant Thornton.
Ça n’arrivera pas demain matin, et plusieurs doutent des économies réelles qui pourraient en découler. Mais toutes les pierres méritent d’être retournées pour faire des gains d’efficacité.
Car oui, la réduction de certaines dépenses apparaît tout à fait justifiée. D’autant plus à la lumière des cas d’excès mis au jour récemment, comme l’achat de 18 Mustang Mach-E à 65 000 $ par la STM, ou cette fête à 46 000 $ organisée par le RTL.
Voilà pour la colonne des dépenses. Il y a aussi eu du mouvement – forcé – sur le front de la diversification des revenus, ces derniers mois.
Québec demandait aux villes d’utiliser les pouvoirs de taxation qui leur sont conférés, et c’est ce que la CMM a fait, à contrecœur, à la fin de mai. Elle fera passer de 59 $ à 150 $ la taxe sur l’immatriculation dans le Grand Montréal.
Cette hausse ajoutera 193 millions au financement du transport collectif de la région l’an prochain, ce qui comblera plus du tiers du déficit prévu.
L’affaire passe encore très mal dans les banlieues de Montréal. La CMM est constituée de 82 villes, et plusieurs municipalités estiment qu’elles n’auront pas de meilleurs services de transport, même si leurs citoyens paieront plus cher.
Je parlais de grogne en début de chronique, et le mot est faible. Ça va continuer à barder. Mais l’effet est là : ces sommes serviront directement au transport collectif.
Le montage financier de 2025, bouclé dans la controverse, permettra tout juste de maintenir l’offre de service, et non pas de la bonifier.
Si les sociétés de transport vont jusqu’au bout dans leur (nécessaire) effort de réduction des dépenses, Québec devrait, il me semble, leur rendre la pareille en réinvestissant de façon plus conséquente pour les années suivantes.
Un minimum pour respecter sa propre politique de mobilité durable… qui prévoit une augmentation de l’offre de service de 5 % par année jusqu’en 2030.