Jeanne Corriveau
5 juin 2024
Si rien n’est fait pour améliorer le transport en commun dans la grande région de Montréal, les déplacements automobiles continueront de progresser, pour représenter les deux tiers des déplacements en 2050. La vision de développement du transport collectif que doit dévoiler mercredi l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) vise plutôt à faire grimper à 50 % la proportion de déplacements faits en transport collectif et actif d’ici 25 ans. Aussi nobles soient-ils, ces objectifs surviennent dans un contexte difficile, car le transport collectif fait face à des difficultés financières et les relations entre l’ARTM et Québec traversent une zone de turbulence.
À l’heure actuelle, 8,1 millions de déplacements quotidiens sont effectués dans la grande région de Montréal, tous modes confondus, selon les données de 2018. Le transport collectif et actif représente 31 % des déplacements, contre 69 % pour les véhicules motorisés. Avec la croissance démographique anticipée et l’arrivée de 650 000 résidents supplémentaires, le nombre de déplacements devrait grimper à 9,6 millions, dont 6,6 millions en voiture.
« Il faut vraiment inverser complètement cette tendance », indique le directeur général de l’ARTM, Benoît Gendron, en entrevue. Pour atteindre une part modale de 50 % pour le transport actif et collectif, il faudra réduire de 14 % les déplacements en auto, selon l’organisme.
C’est sur cette base que l’ARTM a élaboré sa vision de développement du transport collectif, première étape avant la publication, d’ici la fin de l’année, d’un plan stratégique qui proposera des projets de transport à privilégier au cours des dix prochaines années ainsi que leurs coûts de réalisation et d’exploitation. Parmi eux se trouvera notamment le projet de transport structurant à Longueuil, indique M. Gendron. Il sera assorti d’un plan de mise en oeuvre échelonné sur cinq ans.
La cible de 50 % des déplacements en transport collectif et actif en 2050 rejoint celle établie par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) dans son Plan métropolitain d’aménagement et de développement en cours de révision.
Des axes à développer
Le document de la vision de développement indique des centres urbains, à Montréal, Laval, Longueuil et Brossard, ainsi que des secteurs susceptibles de se développer au cours des prochaines années afin de guider les autorités dans leur planification. Il précise les principaux corridors de déplacement, dont ceux liés au métro et à la phase 1 du Réseau express métropolitain, et détermine les 66 axes potentiels pour le développement du transport collectif et actif, à la grandeur du territoire qui couvre 82 municipalités. Mais il demeure silencieux sur les modes de transport à privilégier pour chacun de ces axes.
L’exercice a nécessité des consultations auprès de l’ensemble des municipalités et des MRC de la CMM. Benoît Gendron assure que cette vision fait consensus au sein de la région de Montréal, contrairement à l’augmentation de la taxe d’immatriculation adoptée la semaine dernière par la CMM malgré l’opposition des maires de la couronne sud.
Quant aux défis de financement, on les évoque brièvement dans le document pour souligner que le statu quo ne permettra pas de donner l’impulsion dont le transport collectif aura besoin dans les prochaines années.
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Réunions et PowerPoint
Cette vision de développement n’est pas de nature à répondre aux attentes pressantes de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault. En entrevue éditoriale le mois dernier pour parler de la future agence Mobilité Infra Québec, qui doit prendre en charge la réalisation de projets de transport collectif, elle n’avait pas caché son exaspération à l’égard de l’ARTM. « Je trouve que, depuis un an et demi, j’ai eu beaucoup de réunions, avait-elle déclaré au sujet de l’ARTM. Ça fait plusieurs fois qu’on me présente des PowerPoint, puis des idées de solutions. Peut-être que là, on serait rendus au stade de les appliquer. »
Benoît Gendron reconnaît que la ministre a eu des propos durs. « Il y avait des enjeux importants liés au financement. […] Je pense qu’on s’en va vers des résultats concluants pour l’ensemble. Le PSE [Projet structurant de l’Est], c’est une autre réalisation qu’on met de l’avant », a-t-il dit au sujet du projet de tramway pour l’est de Montréal, dont la nouvelle version a été dévoilée vendredi dernier. « Donc, on commence à cocher des cases où on réalise des choses, et non pas juste des PowerPoint et des réunions “inutiles”. On travaille également à tout l’enjeu d’optimisation dans la région métropolitaine. »
Les critiques de Québec contre l’ARTM remontent à plusieurs années. En 2021, l’ARTM avait élaboré un plan stratégique comportant une longue liste de projets totalisant 57 milliards de dollars. Insatisfait, le gouvernement avait exigé de l’organisme qu’il définisse ses priorités et présente un cadre financier plus précis. Mais ce plan stratégique revisité ne sera pas connu avant plusieurs mois.